Auteur : Astra Skrābane

 

1.1. Cadre général introductif

1.1.1. Quel est le premier texte traduit ?

Il y eut plusieurs textes sacrés utilisés par les prêtres au début du XVIe siècle qui, malheureusement, ne sont pas conservés.

Les premières traductions des textes religieux datent du début du XVIe siècle. La Chronique de Prusse (Preussische Chronik, 1529-1531) contient la traduction du Pater Noster transcrite par le moine bénédictin S. Grunau. Apparemment, l’auteur de la transcription n’était pas conscient de l’importance de ce texte. Le manuel de l’Église catholique Agenda, édité en 1507, dont les prêtres se sont servis dans les paroisses à Suntazi et à Riga, contient des textes religieux manuscrits en letton. Il est d’usage de parler du Pater Noster de N. Ghisbert.

La traduction de S. Münster dans la Cosmographei (1550) est considérée comme le premier échantillon de Pater Noster imprimée en letton.

Suivent les catéchismes, les liturgies et les chants liturgiques, on connaît notamment le Manuel de l’église de Saint Jacques de Riga qui contiennent les textes traduits par Johann Eck.

Les premières traductions sont imprimées à l’étranger : Catechismus Catholicorum - à Vilnius en 1585, Enchiridion. Der kleine Cathechismus - à Königsberg en 1586.

En 1587 paraissent les extraits du Nouveau Testament,  les Évangiles et les Épîtres ainsi que des chants (Undeudsche Psalmen und geistliche Lieder oder Gesenge), la préface mentionne le nom du traducteur : Johann Rivius, prêtre de Dobele.

L’imprimerie de Riga est créée à la fin du XVIe siècle.

1.1.2. À quelle époque commence-t-on à traduire les textes religieux dans votre langue ?

Il apparaît que, dès leur venue sur le territoire de la Lettonie actuelle, les ecclésiastiques d’origine allemande ont voulu s’adresser à la population autochtone dans leur langue afin de faire mieux faire passer le message du christianisme, il n’y a pourtant aucune trace de ces textes.

L’histoire de la traduction des textes religieux commence surtout à l’époque de la Réforme, vers les années 1520.

Le XVIIe siècle apporte des traductions de Georg Manzel : le Livre du Siracide (1631) et le Livre de la Sagesse de Salomon (1637) et les traductions poétiques de G. Elger : des chants traduits des psaumes latins, allemands et polonais. L’édition de 1621 présente des textes parallèles en letton, en estonien, en polonais et en allemand.

1.1.3. Date de la première traduction intégrale de la Bible ?

La première édition intégrale  de la Bible date de 1694. C’est le résultat des efforts d'un prêtre allemand travaillant à Aluksne (Lettonie) : la traduction du Nouveau Testament est achevée en 1685, celle de l'Ancien Testament en 1689 et celle du texte intégral en 1694.  Le tirage de la Bible est de 1500 exemplaires.

La deuxième  édition de 1739 est tirée à 8000 exemplaires.

 

1.2. La pratique de la traduction

Qui traduit ?

1.2.1. Qui sont les traducteurs (formation, langue maternelle, statut social, quelles sont leurs conditions de travail ? Sont-ils reconnus en tant que traducteurs, s’agit-il de leur activité principale ? etc.) ?

Les premiers traducteurs sont, dans la plupart des cas, d’origine allemande, ils sont prêtres ou pasteurs et le travail de traduction est directement lié aux besoins de la fonction qu'ils exercent.

Jānis Reiters (vers 1632-1697), l’un des premiers prêtres scolarisés lettons ayant présenté sa candidature pour traduire la Bible en letton. Il traduisit l’Évangile de Matthieu (1664), les Livres de Moïse et d’autres extraits de la Bible (1675) ; pourtant sa traduction n’a pas été reconnue par ses compatriotes et peu de fragments sont conservés.

Ernst Glück (1654-1705), prêtre allemand, traducteur du Nouveau et de l’Ancien Testament (1685) ainsi que des Apocryphes (1689). Il est considéré comme la figure la plus importante dans la traduction des textes religieux. Il est également l'auteur de l’abécédaire letton (1683).

Georg Manzel (Georgius Mancelius, 1593-1654) ; prêtre allemand, écrivain, linguiste, auteur du premier dictionnaire letton - « Lettus » (1638) - comprenant environ 6 000 mots et des échantillons de dialogues. Il est également l’inventeur de l’ancienne orthographe lettone en caractères gothiques et auteur du Manuel des prêtres.

Christophor Fürecker (Cristophorus Füreccerus, vers 1615 - 1684/1685), prêtre allemand, écrivain, linguiste, auteur de Lettische Christliche Lieder und Psalmen (1671).

Que traduit-on ?

1.2.2. Quels types de textes religieux traduit-on ?

Dès les années trente du XVIIe siècle, la traduction des textes religieux comprend les catéchismes, les liturgies et les chants liturgiques. Suivent les textes du Nouveau et de l’Ancien Testament, ainsi que des apocryphes.

1.2.3. Traduit-on à la même époque des textes profanes ?

La traduction des textes profanes date de la fin du XVIIe siècle. Ce sont des textes juridiques : la Loi des Punitions en 1684,  La loi du Tribunal de guerre en 1696 et la Loi de la Peine de mort en 1699.

Comment traduit-on ?

1.2.4. À partir de quel texte source ?

La plupart des traductions sont faites à partir de l’allemand, pourtant la traduction de la Bible d’Ernst Glück semble être faite à partir du texte original en intégrant les différences de la traduction de M. Luther (selon A. Feldhuns).

Les psaumes sont traduits également du latin et du polonais.

1.2.5. De quelle(s) langue(s) traduit-on ?

L'hébreu ancien, le grec, l’allemand et le polonais semblent être les langues connues par les prêtres de l’époque.

1.2.6. Passe-t-on par une langue relais ?

On peut considérer l’allemand comme la langue relais pour la traduction de la Bible.

1.2.7. Si oui, celle-ci est-elle orale ou écrite ?

Il s’agit d'une langue écrite.

1.2.8. Les traducteurs privilégient-ils un mode de traduire littéral pour les textes sacrés ?

Les prêtres allemands connaissant évidemment le parler local (le letton), ils  lui imposent leur orthographe (lettres gothiques, utilisation du « h » pour marquer l'allongement des voyelles etc.) et leur structure de langue. C’est pourquoi le style dit « biblique » du letton porte une forte empreinte allemande.

Quant à la traduction poétique, dans ses premières traductions des psaumes, par exemple, G. Elger adopte la versification tonique en profitant des assonances et des allitérations. Puis, il passe au système syllabotonique et introduit la rime. Cependant l’ordre des mots est parfois artificiel et maladroit. Les traductions de Manzel sont reconnues comme étant celles qui respectent la structure naturelle de la langue lettonne.

1.2.9. Comment justifient-ils leur pratique ?

Il n’y a pas de renseignements sur cette question.

1.2.10. Si on traduit aussi des textes profanes à la même époque, a-t-on le même mode de traduire ?

Dans la traduction des textes sacrés, ainsi que celle des textes profanes, les auteurs se trouvent face à un grand manque de termes appropriés en letton. Il leur faut créer des mots et des termes nouveaux, ou encore emprunter des mots de l’original.

 

1.3. Le rôle culturel de la traduction

La traduction et la langue

1.3.1. Statut de la langue écrite à l’époque (existe-t-il une norme unique pour cette langue ? coexistence éventuelle avec d’autres langues ?)

Il n’y a pas de norme unique pour la langue écrite. Le letton et ses dialectes sont parlés par le peuple, tandis que l’allemand est la langue de la noblesse d’origine allemande. Ce sont les Allemands qui essaient de décrire le letton et d’établir ses normes au XVIe siècle. L. Berzins considère que la traduction de la Bible par Glück permet d’unifier l’orthographe en Courlande et en Vidzeme.

1.3.2. Quel est le rôle de ces traductions dans le développement de la langue littéraire ?

La langue lettonne doit beaucoup aux traductions. C’est grâce à la traduction de la Bible et des textes religieux, ainsi que des textes juridiques, et aux vocabulaires religieux, scientifique et éthique, qu'elle se forme. La langue fut enrichie de 250 expressions phraséologiques provenant de la Bible qui sont encore en usage. La Bible fut longtemps le livre de chevet et la seule lecture des Lettons aisés.

1.3.3. Quelles sont les grandes phases de retraduction des textes religieux en fonction de l’évolution de la langue ?

Les rééditions de la Bible s’appuient toujours sur la traduction d’E. Glück. Malgré le passage aux caractères latins, la Bible est toujours imprimée en lettres gothiques.

Après la naissance de la République lettone, en 1919, et la fondation de la Faculté de Théologie au sein de l’université, une nouvelle traduction du Nouveau Testament est achevée en 1937, mais la guerre et, surtout, l’intégration de la Lettonie indépendante dans l'URSS interrompent l’évolution de la vie spirituelle. Cette nouvelle traduction de la Bible paraît à Londres en 1965, cette fois-ci, pour la première fois en caractères latins.

Depuis 1995, la Société biblique travaille sur une nouvelle traduction. Les auteurs sont des théologiens et des écrivains.

Ont paru :

Le Livre de Job – 1997 (traduit par Uldis Bērziņš, poète, traducteur, spécialiste des langues turques).

Les apocryphes - 2005.

Le Nouveau Testament – 2007.

Maître Solomon, dit Rassembleur par le traducteur (Zālamana Mācītājs, tulka saukts par Pulcētāju ) 2007 (traduit par Uldis Bērziņš).

La Société biblique prévoit la sortie de la nouvelle traduction pour 2011.

Il faut mentionner qu’avec le recouvrement de l’indépendance lettonne, d’autres religions et leurs textes sacrés suscitent l’intérêt des traducteurs et des lecteurs. Par exemple :

Coran

Pensées et révélations. Coran. Rīga, Zvaigzne ABC, 2007 (traduit de l’arabe par U. Bērziņš)

Coran (traduit du français et de l’anglais par Imants Kalniņš, compositeur, actuellement parlementaire de Lettonie). La traduction n’est pas encore éditée.

Bhagavad-Gîta, Vieda, 1999 (traduction en vers du sanscrit par Valdis Bisenieks)

La traduction et la société

1.3.4. Qui sont les commanditaires ? Les destinataires ?

Les premières éditions de la Bible en traduction lettone sont commanditées et soutenues par la couronne suédoise (le roi Charles XI), la partie nord-est de la Lettonie étant à cette époque sous domination suédoise. Les destinataires sont les paroisses qui jouent le rôle d’unificateur d'une population assez hétéroclite.

La troisième édition (1825) est financée par l’Empire russe et cette édition est très populaire auprès des familles lettones.

1.3.5. Diffusion des traductions (mode de reproduction, ampleur de la diffusion) ?

Les premières éditions sont tirées en relativement peu d’exemplaires et sont chères. C’est à partir de la troisième édition de la Bible qu’on peut parler de la vrai « diffusion » du livre qui devient le livre de chevet des ménages lettons.

1.3.6. Réception, critique éventuelle, débats suscités par les traductions?

Les premières éditions ne provoquent pas de discussions, alors que la dernière version est l’objet de discussions continues entre théologiens, historiens et littérateurs.

1.3.7. Des retraductions interviennent-elles pour des raisons idéologiques et/ou religieuses ?

Les raisons de la retraduction de la Bible sont nombreuses : d’abord, l'augmentation des connaissances des langues sources, certainement - l’évolution du letton contemporain (changements dans l’orthographe, dans les normes littéraires, apparition d’un vocabulaire nouveau) et, aussi, l’évolution des études théologiques. Il faudrait mentionner également les changements dans la pratique de la traduction qui, d’une traduction littérale mot à mot, se transforme en une traduction plus libre cherchant l’équivalence dans la fonction du texte ou bien dans sa valeur culturelle et historique.

ASTRA SKRABANE (UNIVERSITÉ SUPÉRIEURE DE VENTSPILS)

Sources

Latviešu literatūras vēsture, 1. sēj. (Histoire de la littérature lettonne, t.1). Latvijas. Zinātņu akadēmija, Zvaigzne ABC, 1998.

K.Dravinš, Altlettische Schriften und Verfasser. Lund,1965.