Auteur : Hélène Lenz

 

4.1. Cadre général introductif

Au XXe siècle, la Roumanie a connu deux époques « totalitaires ».

a) La période 1940-1944 durant laquelle le chef de l’Etat roumain est le maréchal Ion Antonescu (1882-1946).

b) La période 1944-1989 commençant avec l’entrée des troupes soviétiques sur le territoire roumain.  Cette  pénétration met fin, pour la Roumanie, à la deuxième guerre mondiale menée dans le camp de l’Allemagne hitlérienne et de l’Italie fasciste, mais elle instaure un régime communiste. Cette phase totalitaire prend fin avec l’exécution du chef de l’Etat roumain Nicolae Ceaușescu en décembre 1989,  suite à la « Révolution roumaine ».

La période 1940-1944 a été précédée par deux années de « dictature royale » à partir de février 1938. « Il s’agit d’un système autoritaire de type fasciste, ayant emprunté une série d’éléments à la structure corporative mussolinienne. »[1] La dictature royale met fin à une quinzaine d’années d’empreinte de la « Légion » (nommée « Garde de Fer » à partir de 1930) - force politique montante - sur fond de vie parlementaire et intellectuelle libérale. Les étudiants de la « Garde de fer » trouvent des adeptes chez de jeunes intellectuels de l’époque, devenus aujourd’hui mondialement célèbres : Mircea Eliade, Emile Cioran, etc. Sous la direction d’Antonescu, le pays s’engage dans la Seconde guerre mondiale aux côtés de l’Allemagne nazie. Antonescu sera exécuté en 1946 après avoir comparu à Nuremberg. Dans la mesure où cette période a connu une vie intellectuelle, si sommaire et perturbée fût-elle, il serait légitime d’interroger ses réalisations/aspirations en matière de traduction. La quinzaine d’années de troubles, mais aussi d’intense vitalité éditoriale, antérieure à la guerre a préparé les germes du totalitarisme communiste. Phase de nationalisme et de mysticisme chrétien orthodoxe établie par « des chefs fanatiques privilégiant la force et la terreur »[2], sa violence patente et latente va servir d’alibi aux mesures instaurées par l’occupation soviétique. Cette dernière instaurant pour presque un demi-siècle aux yeux de ses détracteurs : l’autoritarisme, la brutalité des mesures, le goût du secret, l’arbitraire des interdits, le dirigisme intellectuel, artistique, éthique sous alibi idéologique.

Faute d’informations précises sur la traduction au cours de la deuxième guerre mondiale, nous ne fournirons ici de réponses ou indications que sur le totalitarisme communiste (et ses contestataires en exil, en majeure part émigrés roumains à l’Ouest des années 1930-1940, ces derniers pouvant être considérés comme interdits de retour dans une Roumanie qui les considère comme des criminels idéologiques).

4.1.1. Quelles ont été les périodes de fermeture ou d’ouverture aux littératures occidentales ?

a) Traduction et ouverture aux littératures d’Occident au début du XXe siècle.

Au début du XXe, une abondante littérature originale paraît en roumain. Parallèlement, l’activité de traduction est importante. La littérature française est majoritaire, mais on publie des traductions de l’allemand, du russe. Surtout, l’incitation à traduire - comme il en va au XIXe avec AL.I. Rădulescu - est formulée par des personnalités de notoriété internationale. Ainsi l’historien Nicolae Iorga[3] déclare : « notre culture doit se former à partir de la large connaissance de toutes les cultures de l’humanité ». Le critique Garabet Ibrăileanu,[4] auteur de « Spiritul critic în literatura românească » (« L’esprit critique dans la littérature roumaine », 1908) posera la nécessité de circulation des valeurs. Les traductions en sont la première condition : elles ajoutent des éléments positifs assimilables au fond national. Le danger représenté par le « traductionnisme », c’est le risque « d’étrangéité », d’aliénation (« străinismul »). La francomanie de la fin du XIXe siècle a introduit le décadentisme. Il faut donc faire connaître (N. Iorga, 1903) la littérature anglaise « profonde, riche, sincère », la littérature italienne « d’une énergie exceptionnelle », l’allemande, l’espagnole, les littératures du Nord scandinave, les littératures slaves[5].  Seront traduits à cette époque : Zola (1902), Tchékhov (1904), Ibsen (1906), Tolstoï (1910), Mark Twain (1910), Pascali, Antonio Fogazzaro (1911), Strindberg (1912).[6]

b) Traduction et totalitarisme communiste.

- Années 1950. La vocation moderne d’ouverture à l’Occident par la traduction ne se manifeste plus dans les années 1950. La fermeture s’opère en conséquence de l’idéologie des troupes d’occupation soviétique. Les œuvres occidentales sont « accusées de porter la marque  de l’esprit décadent bourgeois ». Continueront d’être traduits « les écrivains agréés par le Cominform[7] pour leur adhésion à l’URSS : qu’ils aient voyagé à Moscou, composé des biographies de Staline ou milité pour les pseudo-valeurs du communisme. La liste des bénéficiaires est longue. Ils ne sont pas parmi les moins célèbres : d’Aragon à Selma Lagerlöf et de Romain Rolland à Lion Feuchtwanger ».[8] Toutefois, l’année d’installation des troupes d’occupation soviétique sur le territoire (1945) voit paraître exclusivement des traductions du russe, selon un article intitulé « Ce vom ceti anul acesta? » [« Que lirons-nous cette année ? »]  (in Veac nou [Nouveau Siècle], 6 octobre 1945).[9]

- Années 1960. Dans les années 1960, l’activité de traduction se poursuit sur la même base. Il arrive que des traductions exceptionnelles soient produites. Elles concernent les classiques russes (de Gogol à Tolstoï) et les « classiques de la littérature universelle éloignés dans le temps et, par conséquent, plus assimilables du point de vue idéologique ». C’est le cas de Homère, Dante, Shakespeare, Molière.

- Années 1970. A partir des années 1970, la traduction d’œuvres occidentales est relancée « de manière spectaculaire » (Editura Univers, Editura Politică [Edition Politique]).[10] Les publications de l’Editura Politică, moins nombreuses, sont aujourd’hui encore perçues comme excellentes.

- Fin des années 1980 et suites de la Révolution roumaine. Après 1989, du point de vue de la traduction, la Roumanie retrouve « le statut de pays européen qui était le sien » avant 1948. [11]

 

4.2. LA PRATIQUE DE LA TRADUCTION

Qui traduit ?

4.2.1. Qui sont les traducteurs ? (Origine sociale, formation, langue maternelle, statut social, conditions de travail et de rémunération ? Sont-ils considérés comme des auteurs ? S’agit-il de leur activité principale ? Etc.)

Parmi les traducteurs des débuts du totalitarisme se comptent de grands noms de la culture roumaine. C’est le cas de Tudor Arghezi, considéré avant la deuxième guerre mondiale comme le plus grand poète roumain du siècle (cinq titres), de Camil Petrescu, romancier novateur majeur de l’entre-deux-guerres (deux titres), du prosateur prolifique Mihail Sadoveanu (un titre), de Alexandru Graur, linguiste  de premier plan de l’époque soviétique roumaine (un titre). D’autres écrivains, d’envergure moindre n’ont pas été déshonorés par une activité de traduction comptée à l’inverse a posteriori comme un titre de gloire. C’est le cas de Miron Radu Paraschivescu (sept titres), adaptateur de F. Garcia Lorca dans ses « Cântece Tigănești » (Chants tsiganes).[12]

L’institution du « traducteur spécialisé » apparaît au cours des années 1950.

A partir des années 1960, les écrivains sont souvent des écrivains connus, parfois interdits. Ainsi, parmi bien d’autres : Vladimir Streinu, Ion Vinea. Traducteur d’E. A. Poe et de Shakespeare[13]). Ils signent sous pseudonymes ou doivent laisser la place pour signature aux « stylisateurs » de la maison d’édition. Le « stylisateur » est une institution caractéristique de l’après deuxième guerre mondiale.[14] Dans l’histoire de la traduction roumaine d’avant 1940, le poètes ont traduit davantage que les autres écrivains. La règle continue de s’appliquer après la deuxième guerre mondiale, sous le totalitarisme. On peut citer comme poètes traducteurs de la période entre 1945 et 1989 : A. E. Baconsky, St. Aug. Doinaș, Leonid Dimov, Geo Dumitrescu, Mircea Ivănescu, Șerban Foarța, Sorin Mărculescu, etc. [15]

4.2.2. Rôle éventuel des associations de traducteurs dans l’évolution de la profession ?

Aujourd’hui, la section « Traducteurs » est la plus fournie de toute l’Union des écrivains (et dans cette dernière, les poètes/traducteurs de poésie sont les plus nombreux). Ce n’était pas le cas avant la deuxième guerre mondiale. La principale association professionnelle d’écrivains était alors la S.S.R - Societatea Scriitorilor Români (Société des écrivains roumains). Soutenue par le roi, cette union n’était pas une institution de pays totalitaire, a fortiori soviétique. Elle comprenait une section de traduction prenant en charge des préoccupations sociales et corporatives (les traducteurs d’alors étaient souvent des poètes et prosateurs s’acquittant de cette tâche parallèlement à leur œuvre personnelle).[16]

4.2.3. Les traducteurs du russe ont-ils un statut particulier ?

Après la deuxième guerre mondiale, peu de Roumains lisent et comprennent le russe, à l’exception de ceux qui sont originaires de Bessarabie, de Bucovine, voire de Moldavie (zones limitrophes de l’Empire russe puis de l’URSS ayant connu des annexions). À partir de la pénétration des troupes soviétiques sur le territoire, en août 1944, la connaissance de la langue et de la culture russes revêt une importance primordiale. L’institution du livre, exerçant autant d’influence que l’école, est encadrée par une campagne de propagande de grande ampleur. Seront publiés des écrivains soviétiques, des classiques russes antérieurs et, d’une façon générale, tout ce qui constituait « une mise pour le succès à long terme du communisme ».[17] Pour l’association ARLUS (fondant à Bucarest la maison d’Edition Cartea rusă [Le Livre russe], le 17 décembre 1944), la rareté des traducteurs du russe crée un problème à résoudre d’urgence en raison des besoins générés par les nécessités de propagande et de l’éducation socialiste dont l’Union soviétique est le vecteur (Veac Nou [Nouveau siècle] n°2, 17 décembre 1944). Certains connaisseurs de langue russe, attaqués après la Révolution de 1989 pour opportunisme ou lâcheté, vont se trouver portés par la faveur littéraire de l’époque pour leur activité de traduction. C’est le cas de N. Moraru, originaire de Tighina-Besarabia : ancien communiste de l’illégalité. D’autres ont appris le russe « sur le tas » : ils seront cooptés comme premiers interprètes de la culture russe. Enfin, le président de l’Union des Ecrivains (écarté de cette fonction en 1965) Mihai Beniuc, traducteur et préfacier autorisé de signature, occupera un poste diplomatique à Moscou entre 1946 et 1948 ( il y sera conseiller culturel de l’Ambassade de Roumanie)[18].

Surtout la fondation en décembre 1944 de la Maison d’Edition et Librairie ARLUS- Cartea Rusă (« Livre russe ») dont l’installation est saluée dans la revue « Veac nou/ Nouveau siècle »  « comme un acte civilisateur majeur »[19] (célébré par un poème de A. Toma) sera une pépinière de traducteurs de 1944 à 1954.   « Le Livre russe » a disposé de 25 collections et de 335 traducteurs dont 125 ont traduit au minimum 2 titres (38%). « Les traducteurs les plus actifs ont été : Rotislav Donici, Al. Philippide, Ada Steinberg, Izabela Dumbravă, George Lesnea - voir plus haut-, Andrei A. Ivanovski, Tatiana Berindei, Eusebiu Camilar et Cezar Petrescu. » [20] Les traducteurs du « Livre russe » ne sont pas tous vus aujourd’hui comme des tâcherons idéologiquement compromis  (Al. Philippide est considéré comme un intellectuel de haut niveau ayant commis une erreur, G. Lesnea passe pour un poète médiocre mais un traducteur de grande valeur etc.)

En raison de la faible connaissance du russe dans la population roumaine, surtout aux débuts du communisme, l’institution de l’édition fait appel à des « stylisateurs » écrivains conférant aux traductions souvent élémentaires l’aspect littéraire leur permettant d’accéder à la publication. [21] De bons écrivains se trouvent donc engagés dans l’opération de traduction (phase traductive proprement dite ou «  stylisation »), sans en retirer de bénéfice en termes de notoriété (on ne les autorise pas nécessairement  à signer leurs réalisations) ou de rémunération (?).

Ainsi George Lesnea (1902-1979, né à Iasi, Moldavie)  poète traducteur de Essénine, Pouchkine etc. signalé en 1941 par G. Călinescu à la suite de G.M Zamfirescu (1934) pour son excellente traduction intégrale du « Démon » de Lermontov avant l’instauration du communisme a travaillé après guerre pour le « Livre russe ». Il semble y avoir été considéré comme un traducteur d’élite. [22]

Un écrivain de langue allemande aujourd’hui mondialement connu tel Paul Celan (1920-1970) - originaire de Bucovine-  a travaillé aussi au « Livre russe» à Bucarest entre 1944 et 1947. On peut considérer que son œuvre personnelle en porte  la trace, avec ses allusions plurielles à la poésie russe (Voir « La rose de personne/ Die Niemandsrose » - 1963- et ses références à M. Tsvetaïeva, Blok, Mandelstamm etc.).  Il restera aussi traducteur du russe, du français, de l’anglais une fois installé à Paris dans les années 1960. (Voir ma réponse en  4-2-15).

Que traduit-on ?

4.2.4. Quels genres de textes traduit-on ?

Voir ma réponse en 4.1.1.

Le plan éditorial du « Livre russe », consigné dans le numéro 2 de la revue « Veac nou/ Nouveau siècle » (publié en décembre 1944) donnant aux traductions les deux premières places prévoyait les priorités suivantes : 1) traductions d’écrivains soviétiques et de classiques russes, 2) traductions d’auteurs occidentaux démocrates, 3) publication d’écrivains roumains démocrates, 4) livres destinés à l’enfance et la jeunesse, 5) livres de vulgarisation, 6) travaux sur la vie et la culture soviétiques.

Le n°2 de « Veac nou/ Nouveau siècle » (1944)  présente la bibliographie de traductions suivante : Et l’acier fut trempé de Nikolaï Ostrovski (déjà publié), Le pouvoir du mot de Ilya Ehrenburg (déjà publié), L’éducation publique en Union Soviétique, Femmes héros de l’Union soviétique, L’administration en URSS de Petre Constantinescu (déjà publiés). A titre prévisionnel, sont donnés les titres (en préparation) : Anthologie des poètes soviétiques de Mihai Beniuc, Œuvres choisies de A. P. Tchekhov, Taras Boulba de V. N. Gogol.  Les titres annoncés pour les mois à venir ont été traduits de la littérature française et américaine. Il s’agit de L’espoir d’A. Malraux, Les beaux quartiers de L. Aragon, Le 42e Parallèle, 1919 de J. Dos Passos, Tortilla Flat de J. Steinbeck, Lumière d’août de W. Faulkner.[23]

La plupart des traductions du « Livre russe » ne concernent en rien la littérature de type belles-lettres (beletristică). En novembre 1950, la maison d’édition fait état d’un tirage global de 1.105.000 exemplaires dont 673.000 sont des brochures de propagande pure (broșuri agitatorice)[24].

4.2.5. Y a-t-il à cette époque des changements dans la géographie de la traduction (origine des œuvres traduites) ? S’ouvre-t-on à des littératures non traduites jusque là ? Si oui, lesquelles ?

La fermeture aux œuvres créées en Europe Occidentale doit être tempérée d’une prise en considération de l’appartenance idéologique des auteurs traduits.  Il en va de même pour l’ouverture à de nouveaux horizons géographiques. Voir ma réponse en 4.1.1.

4.2.6. Comment les conditions politiques et idéologiques influencent-elles le choix des œuvres traduites (langues, littératures, auteurs, genres)?

Pour tous les satellites de l’URSS, le début des années 1950 est le cadre d’évènements similaires. D’abord, ces pays connaissent l’importation obligatoire de la méthode unique de création développée par l’Union Soviétique : le réalisme socialiste. Le conformisme idéologique qui en résulte voit les produits littéraires des pays satellisés  s’imposer  difficilement à l’étranger (sinon à l’intérieur du circuit des pays communistes où  on ils sont traduits). Pendant la guerre froide, le bloc de l’Est est trop isolé pour bien exporter sa littérature, jugée irrecevable en Occident. Parallèlement, l’ensemble soviétique adopte des mesures protectionnistes face aux produits culturels occidentaux. Ils sont blâmés - et censurés à la traduction- à la fois esthétiquement et politiquement: comme «  décadents » et comme «  réactionnaires ».[25]

A l’intérieur de la phase totalitaire communiste, l’atmosphère idéologique est divisible en périodes (= décennies littéraires). Ainsi, les années 1960 (de fermeture « dure » à l’Occident) voient paraître des classiques russes (de Gogol à Tolstoï) mais non Dostoïevski,[26] dont la traduction roumaine attendra les années 1970. Un dégel politique, idéologique, culturel est amorcé dès la fin du stalinisme roumain avec le départ des troupes soviétiques du territoire (réclamé en 1958 par le chef de l’Etat : Gh. Gheorghiu-Dej). Ce dégel des années 1960 sera étendu à tous les pays satellisés, mais  la relative libéralisation ne touchera pas tous les satellites au même moment. Ainsi, Bucarest et Prague se libéralisent plus tard que Budapest et Varsovie. En effet, la répression de la révolution hongroise a renforcé les attitudes conservatrices roumaines et tchèques. En 1956, le congrès des écrivains roumains était le seul à réaffirmer sa totale adhésion au réalisme socialiste. Deux ans plus tard, le développement de relations culturelles avec la France est jugé contre-révolutionnaire. Au début des années 1960 la brève libéralisation interne concomitante d’une reprise d’échanges avec l’Occident « conduit à la croissance du circuit officiel de traduction et au démarrage du circuit patrimonial, tandis que le circuit roumain d’exportation, (naguère) très offensif se réduit. Parallèlement les transferts non autorisés (clandestins) diminuent. La décennie 1960 est la seule à voir le nombre  de traductions du circuit de publication directe à l’étranger tomber au-dessous du circuit officiel ».[27] Pour ce qui concerne la terminologie des circuits de transfert autorisés et non autorisés, voir ma réponse en 4-3-15-.

Les « Thèses de juillet 1971 », résultat d’un voyage du chef d’Etat N. Ceaușescu en Chine, vont inviter à nouveau la culture à se confondre avec la propagande. Mais à « la fin des années 1970, la Roumanie reprend sa politique d’exportation littéraire avec la même intensité que dans les années 1950 ».[28]

Les années 1980 coïncident avec un durcissement national-communiste ceaușiste accru. « Pendant ces années 1980, la traduction de nouveaux auteurs est plus que jamais clivée entre les circuits directs (=clandestins/samizdat) et d’exportation (= traduits à l’usage de l’étranger après sélection et contrôles/calibrage des textes/traductions par la censure). Telle est la conséquence de l’isolement de la Roumanie coïncidant avec une attitude protectionniste à l’égard de tout apport occidental - y compris les réseaux culturels du P.C.F- et par une offensive de la rhétorique nationaliste ». [29]

4.2.7. Quels sont les écarts entre la date de parution d’une œuvre dans la langue originale et sa traduction ?

« Entre 1918 et 1948 » en poésie, « la synchronisation entre poésie roumaine et poésie traduite est parfaite » considère l’historien littéraire N. Manolescu. Mais un important écart entre parution d’une œuvre occidentale en langue originale et traduction roumaine, comparable à la situation d’avant 1918, se manifeste  vers 1947 (le roi Michel déposé le 30 décembre 1947 devant quitter le pays).  [30]

4.2.8. Quels sont les écarts entre le canon littéraire de la langue d’origine et le corpus de textes traduits (traduction d’auteurs ou d’ouvrages jugés secondaires dans la littérature d’origine, ou au contraire absence de traduction d’auteurs ou d’ouvrages majeurs) ? Peut-on identifier les causes de ces écarts ?

Je n’ai pas de réponse à cette question.

4.2.9. Citez quelques textes emblématiques traduits à cette époque (s’il y en a), titres et dates.

Voir ma réponse en 4-2-4.

En novembre 1952, « Le livre russe » communique ses chiffres globaux de publication pour la période 1944-1951. Ont été traduits de la littérature russe 1311 titres correspondant à 18.990.000 exemplaires. Les traductions en langue roumaine sont 1069 (les quelque 200 autres sont des traductions du russe en langues minoritaires représentées sur le territoire). Les plus grands succès sont dans l’ordre, les auteurs suivants (titres non précisés) : Mikhaïl Cholokhov (= Le Don paisible ?), A. Fadeïev, N. Ostrovski, Maxime Gorki, L. N. Tolstoï, N. G. Tchernychevski, A. P. Tchekhov, M. I. Lermontov. [31]

Comment traduit-on ?

La traduction de l’époque soviétique a obéi à des préceptes idéologiques ad hoc puisque l’on trouve  en 1954, dans la revue « Veac nou/ Nouveau siècle » à l’occasion d’une enquête lancée auprès d’écrivains et traducteurs consacrés : des analyses concernant des aspects « formalistes » du travail de traduction, des considérations sur un tandem traductionnel typique de la fin des années 1940 et du courant des années 1950 : le « binôme traducteur stylisateur supposant un système complexe de confrontations et de révisions du texte.»[32]

Par ailleurs, dans la mesure où l’on admet l’existence pour l’ensemble des pays satellites de l’URSS d’une politique éditoriale commune pour le domaine de la traduction à l’usage de l’étranger et donc l’évidence d’un « circuit d’exportation » (gérant la traduction) et « d’un circuit officiel » (gérant plus la publication de créations littéraires), il est possible de dégager des traits communs aux œuvres devant disposer de « double homologation » (littéraire et traductive). Ces textes ont franchi les dispositifs de contrôle permettant leur publication/circulation (la sévérité des filtres opère diversement selon les périodes). L’obligation d’acceptabilité esthétique et idéologique s’est doublée à ces stades de « formes de conditionnement préalable du manuscrit : coupes, réécriture etc. débouchant sur des périodes d’attente et d’interdit »). Ensuite, « un deuxième accord officiel est intervenu lors de la reprise du texte en traduction ». A ce stade, l’auteur  de pays communiste a perdu le contrôle du transfert littéraire. Ses « droits patrimoniaux et moraux sur son œuvre » sont diminués alors que « sa responsabilité pénale a été accrue du fait de la surpolitisation des enjeux littéraires ». Des agences contrôlant l’exportation littéraire ou agissant « en complicité avec des éditeurs occidentaux » gèrent le mode de traduire relevant par conséquent des normes du circuit autorisé ou du type de liberté/ou de contrainte propre au circuit non autorisé.[33] Je n’ai pas d’information concrète sur le mode de traduire dans le circuit de diffusion autorisé. Il est possible qu’il soit qualifié de « scientifique ».

4.2.10. Trouve-t-on des réflexions et/ou des débats sur la traduction ? Sur quoi portent-elles/ ils ?

La traduction est une partie du discours littéraire nécessaire à la constitution de la culture (nationale et socialiste). Les traductions du russe sont envisagées comme un discours privilégié de la culture communiste plaçant l’éducation à la portée de tous. Le pouvoir des pays du bloc a-t-il  joué de la fermeture effective des frontières (= interdisant le voyage) pour  promouvoir le dépaysement par le livre traduit de langues de pays capitalistes?  Les époques de dictature sont-t-elles plus propices à la production d’une littérature de « semi-originalité » dont la traduction relève ? [34]

a-  Quatre exemples de réflexions théoriques sur la traduction (Al. Graur en 1964, A. Dima en 1969,  G. Ionescu en 1981, M. Braga en 1982).

Plusieurs théoriciens enseignants universitaires par ailleurs essayistes et souvent chroniqueurs culturels (journaux de grande diffusion) saluent à partir des années 1960 des tournants de la réflexion théorique sur la traduction, qui ne semblent plus directement importée d’Union Soviétique.

Alexandru Graur (1900-1988). « Est-il possible de traduire ? » -1964-.

Titulaire d’un doctorat en linguistique indo-européenne obtenu à la Sorbonne en 1929, auteur d’études de philologie classique, étymologie, linguistique générale, phonétique, phonologie, grammaire, onomastique, lexicologie, langue roumaine, membre titulaire de l’Académie roumaine depuis 1955, A. Graur consacre un compte-rendu laudatif de 8 pages au livre de G. Mounin paru en 1963 dans un numéro de « Revista de Filozofie » (XI, 6,1964).  L’article est intitulé « Traducerea este posibilă ? / Est-il possible de traduire ? » Il se penche sur « les problèmes philosophiques posés par la théorie de la traduction». La large bibliographie « occidentale » de Mounin est approuvée et résumée (Humboldt, Saussure, Bloomfield, Serrus, Cassirer, Hjemslev, Martinet etc.) « Ce travail est une thèse de doctorat soutenue en Sorbonne l’an dernier. Si les travaux des pays socialistes sont peu connus de l’auteur, ce dernier connaît en revanche en profondeur une vaste bibliographie occidentale. Elle lui a permis de réaliser une ample synthèse de théories linguistiques mais aussi psychologiques, ethnographiques etc. Ce fait devrait seul suffire à faire apprécier l’ouvrage. »[35] A. Graur a été un linguiste « officiel » de l’époque stalinienne. Rédigé en 1964, lors de la libéralisation suivant le départ des troupes d’occupation soviétique, son compte-rendu s’accorde avec la réouverture à l’Occident des domaines concernés par une rénovation de la langue/ expression nationale. Le milieu des années 1960 voit en effet surgir une explosion d’écrivains roumains censurés.  De même, il verra l’entrée sur le territoire de produits « de large diffusion » interdits jusque là par le contrôle soviétique : du cinéma néo-réaliste italien aux écrivains anglais, français, etc. (taxés lors de la phase antérieure de « cosmopolites »).

Alexandre Dima (1905-1979). « Principes de littérature comparée »,1969.

A. Dima a été un critique, historien littéraire membre de l’Académie roumaine, auteur d’une vingtaine d’ouvrages. Ses « Principes de littérature comparée/Principii de literatură comparată » (1969) ont considéré la traduction comme un champ essentiel des relations littéraires entre pays. Ces relations sont parallèles ou dépendantes (superstructure) des relations économiques, diplomatiques, culturelles. Sous l’angle typologique, l’auteur distingue entre : traductions (traduceri), adaptations (adaptări), arrangements (prelucrări). Il classe par conséquent les traductions en fonction du degré de fidélité, faisant fonctionner une typologie de l’écart et  de l’ellipse qui incorpore des considérations fonctionnelles (relation au destinataire) et esthétiques.[36]

Gelu Ionescu (né en 1937). « L’horizon de la traduction », 1981 réédité en 2004.

Paru en 1981, l’ouvrage de G. Ionescu intitulé « Orizontul traducerii » est le premier livre roumain entièrement consacré aux problèmes théoriques et pratiques de la discipline. G. Ionescu est critique, historien littéraire, essayiste. Il a été assistant à la Chaire de Littérature Comparée et Théorie littéraire (Bucarest) de 1963 à 1982, date de son exil en Allemagne (Munich). Parallèlement, il a tenu à la revue Steaua entre 1975 et 1980 « la meilleure chronique de traductions de la presse littéraire roumaine ».[37] Elle a porté sur des traductions du grec, de l’arabe, du provençal, du latin, du catalan, de l’anglais, du russe, de l’espagnol. De nombreuses considérations techniques (attribuables à la formation philologique de G. Ionescu) émaillent sa chronique. Toutefois, sa culture (« l’extrême facilité avec laquelle il se meut dans des espaces culturels différents, de la culture antique à la poésie médiévale, de la littérature de la Renaissance au roman moderne ») fait de lui un disciple de Tudor Vianu.[38]Le livre de G. Ionescu fait le tour des réalisations roumaines présentes : les programmes d’enseignement de la Faculté de Philologie ont désormais inclus des cours de théorie et technique de la traduction, des textes didactiques universitaires polycopiés ont vu le jour à l’Université de Bucarest, des colloques de traductologie ont été réalisés dans la capitale, dont un par l’Union des Ecrivains, par l’Université de Timișoara etc. G. Ionescu fait par ailleurs le bilan de toutes les réalisations roumaines depuis le « Projet de Littérature Universelle » de Ion Heliade Rădulescu (XIXe siècle, voir mes réponses au questionnaire « Traduction et Modernité »). Il passe en revue les disciplines considérant  la traduction comme un objet d’étude et de réflexion théorique. Jusque là composante, au mieux, de l’esthétique de la réception, la traduction est constituée par lui en objet de réflexion relevant de la spécificité littéraire.

Réédité en 2004 aux éditions de l’Institut Culturel Roumain, le livre est commenté en 2005 dans la revue « 22 » publication créée après la Révolution roumaine. G. Ionescu  y est présenté comme un critique pour qui « les traductions font une littérature/Gelu Ionescu e dintre cei care cred că traducerile fac o literatură »). Les œuvres qu’il a analysées sont: « des plus convaincantes ».[39]

Mircea Braga « La théorie de la traduction et son efficience déviée », 1982.

Le théoricien littéraire, professeur, éditeur Mircea Braga (né en 1938) auteur d’une vingtaine de livres  achève son volume d’essais publié en 1982 (« Istoria literară ca pretext » : L’histoire littéraire pour prétexte) par des considérations sur le problème esthétique posé par la traduction. Il fait implicitement état d’un débat sur le sujet (certains considèrent que ce problème n’existe pas). Citant le poète traducteur Ștefan Augustin Doinaș, il évoque les « traductions autonomes ». Ce terme renvoie aux « créations d’après la création » (cas de la traduction de Baudelaire par Arghezi, plus grand poète roumain du XXe siècle). Les « traductions fidèles » sont préoccupées de restituer « l’aspect informationnel » de l’œuvre. Les historiens théoriciens de la traduction commentés par M. Braga sont : G. Mounin, S.Harris (« Mechanical translation »), Werner Krauss. Sémiotique et informatique sont des disciplines utiles en traductologie parce qu’elles constituent des étapes sur la voie de la « création d’après la création ». En effet, la traduction ne « fait pas une littérature »  considère Mircea Braga, citant à l’inverse M. Kogălniceanu mais elle en constitue une part majeure. La nécessité de prendre en compte les « aspects techniques » de la discipline est rapportée à un débat culturel international : en Roumanie comme partout dans le monde sont publiés désormais des « guides », des « manuels » de traduction ( un auteur roumain d’études normative est cité : Léon Levițchi).[40]

Surtout, l’actualité des traductions/retraductions) rend compte de la vitalité d’une culture. « L’actualité d’une littérature est faite par l’actualité des traductions ; simultanément, l’amplitude d’une littérature (dans le temps et l’espace) est conditionnée par l’amplitude des traductions (dans le temps et l’espace à la fois). D’où ce corollaire: la traduction, dans une culture vivante, dynamique, moderne « modernisante », doit être continue : sous l’aspect de l’assimilation permanente des créations présentes sous tous les méridiens de la valeur mais aussi par la réinsertion dans le circuit actuel d’œuvres à la valeur établie ( …) Les traductions existent parce qu’elles se trouvent placées sous le signe d’une nécessité culturelle, c’est-à-dire au-delà de l’intérêt immédiat (…). C’est pourquoi le débat sur les principes de la traduction ne peut revêtir qu’à grand peine l’habit de la nécessité et de « l’efficience » esthétique ». [41]

b) Exemple de chroniques de traduction en revues diffusées en Roumanie.

Des chroniques de traduction sont présentes dans des revues roumaines de niveau soutenu, largement diffusées. Editées en Roumanie, ces publications rendent compte de traductions dans « l’espace autorisé »[42] (terminologie de Ioana Popa). Deux grandes revues au moins sont représentatives du circuit d’exportation et du circuit officiel.

Cas de la revue Secolul 20 [43] :

Mensuel de littérature universelle fondé en 1961, « Secolul 20 » a obtenu en novembre 1987 (deux ans avant la chute de Ceaușescu) une distinction internationale : le Prix de « la meilleure revue de littérature et d’art du monde » décerné à l’occasion de la Biennale Unesco au Centre Pompidou.

Dans les années 1970, « Secolul 20 » publie des études, des traductions « d’importants travaux contemporains dans diverses spécialités », des traductions littéraires (extraits d’auteurs nationaux) dans la rubrique « Scriitori români în limbi străine /Écrivains roumains en langues étrangères ». Ainsi le n°175 (1975) publie une nouvelle du romancier Eugen Barbu « Șosea nordului » en anglais dans une traduction (fragment) de Andrei Bantaș  («The Northern Highway »)[44].

Elle publie aussi une chronique de critique  de traductions de diverses langues. Le n°176 (1975) comporte plus de vingt pages de cette rubrique intitulée « Momente semnificative din opera de traducere a literaturii universale/Moments significatifs dans l’œuvre de traduction de la littérature universelle ». Les huit comptes-rendus de parutions présentent : trois traductions récentes de l’espagnol sud-américain, deux de l’islandais, un du japonais, un du sanscrit, un de l’arabe. Toutes sont effectuées par des Roumains publiant en Roumanie.

Les premiers ouvrages espagnols présentés sont de Garcilosa de la Vega, sous le titre de Regeștile cronici ale Incașilor/ Chroniques royales des Incas. L’un a été publié en 1974. Le commentaire présente un auteur issu d’une hybridation ethnique/culturelle : par fierté de son origine maternelle, celui-ci s’est nommé lui-même[45]« El Inca ». Le traducteur roumain est Francisc Pacurariu. Savant hispaniste-américaniste et diplomate, il a réalisé l’édition critique dont les « Chroniques royales des Incas » sont extraites (Antologia literaturii precolumbieneAnthologie de la littérature précolombienne, 1973).[46] La sélection de textes de F. Pacurariu couvre les aires mexicaines mayas, incas. Les deux commentaires sont signés Victor Ivanovici[47].

Le troisième texte espagnol est le poème « Martin Fierro » de José Hernandez, dans une traduction roumaine de Aurel Covaci. Le commentaire de Andrei Ionescu insiste sur les traits sociaux mis à jour par l’auteur de « Martin Fierro » dans sa peinture du gaucho argentin mais il cite encore l’interprétation du poème par Borges. La critique insiste sur le caractère lexicologique des difficultés de transposition, citant  Unamuno, qui a vu dans ce texte « le poème le plus homérique de la littérature américaine, avec ses traits archaïques, anthropologiques, régionaux ». La conclusion de Andrei Ionescu rapproche le niveau d’oralité pratiquée par José Hernandez d’un « degré zéro de l’écriture » tel que décrit par Barthes.

La première traduction de l’islandais a été effectuée par Ion Comșa. Il s’agit d’un classique de la littérature orale : « Saga despre Njal » (la Saga de Njal le brûlé, texte anonyme). Le compte-rendu est signé Zoe Dumitrescu-Bușulenga: professeur d’Université renommée et académicienne.[48] La deuxième, réalisée par Mihai Isbasescu  concerne le roman « Clopotul din Islanda / La Cloche d’Islande » de Halldor Kiljan Laxness (1902-1998), prix Nobel 1955.  Cet écrivain, suite à de nombreux voyages en URSS qui l’ont confronté aux « erreurs » staliniennes, s’est détourné du communisme dont il avait « embrassé les thèses ». Le commentaire de traduction est signé Alexandru Al. Sahighian.[49]

La traduction de l’arabe en roumain est à son tour un classique universel, maintes fois rendu en diverses langues, Les mille et une nuits. La version roumaine (« O mie și una de nopți ») est de Petre Hossu-D / Murarășu (vol.1), Haralambie Grămescu/Murărașu (vol 2-4), Haralambie Grămescu seul (vol. 6-12). Le compte-rendu, signé  Alexandru Sever, esquisse un historique de la traduction du texte en Europe et Roumanie où le texte a pénétré dès 1780 par des versions grecques d’après Galland et Pétis de la Croix. En conclusion, cette traduction commencée en 1966, achevée en 1975 est saluée comme « plus complète, plus correcte, faisant moins de concessions à la pudibonderie » que les précédentes. La traduction roumaine a été établie d’après un texte français confronté à un texte russe. Le commentateur le déplore mais constate qu’il s’agit « d’une étape », loue pour finir «  une entreprise remarquable permettant de faire entrer dans le circuit de notre littérature un des grands livres de l’Orient ».[50]

La traduction du japonais (« Antologie haiku/ Anthologie de haïku ») parue en 1974 après trois ans de travail du traducteur et auteur de l’édition critique (avant-propos, traduction, notes) Dan Constantinescu[51], est commentée par Ștefan Augustin Doinaș, important poète et personnalité de résistant, ancien détenu politique.[52] Le commentaire laisse voir des affinités entre la lyrique des Roumains et celle des Japonais (considérations sur le sentiment de la nature). Il émet des observations de forme poétique et n’oublie pas de consacrer un paragraphe à la pensée traductive de celui qui a réalisé la transposition (Dan Constantinescu). La conclusion se réfère à Barthes commentateur du haïku, mais non à l’introduction de l’univers artistique japonais en roumain de l’entre-deux-guerres.

La traduction de la Bhagavad Gita par le Dr Sergiu Al-George à partir de 1971 est commentée de façon tout aussi intéressante par Nicolae Steinhardt. Un historique de la traduction de ce livre en roumain est esquissé (première traduction en 1932) ainsi qu’un descriptif des tribulations du poème. De même que pour Les mille et une nuits, les difficultés de traduction de la Bhagavad Gita sont rapportées à la nécessité de considérer les versions françaises et allemandes antérieures. N. Steinhardt laisse-t-il transparaître des traces d’idéologie quand il taxe la version de Th. Simianscky (1944) de texte « dépourvu du caractère strictement scientifique de la traduction plus récente » ? Le commentaire situe en tout cas le poème dans un historique de la spiritualité hindoue situant la vulgarisation de la pensée religieuse universelle en Roumanie dans les années 1970 et la personnalité de Steinhardt même (1912-1989) emprisonné entre 1960 et 1964, converti au christianisme (il était d’origine juive) durant sa détention. Le Monastère de Rohia, Maramureș, où il a résidé comme moine jusqu’à la fin de sa vie a fait publier à partir de 2005 l’intégralité de son œuvre  dont « Jurnalul fericirii » (Le Journal du bonheur), ouvrage confisqué plusieurs fois par la police secrète (Securitate) mais publié dès 1991, 1992 par les éditions Dacia de Cluj. [53]

Observation : Plusieurs de ces huit critiques incluent un historique de la traduction roumaine pour chaque texte concerné par le commentaire. Elles sont conclues par une conclusion globale de la « Chronique des traductions/Cronica traducerilor » intitulée : « Retrospectivă deschisă/ Rétrospective ouverte ». Non signé, l’article de deux pages fait le bilan d’une année de commentaires de traduction en roumain d’œuvres de la littérature universelle (sur 12 numéros puisque Secolul 20 est un mensuel). Surtout, la personnalité de plusieurs signataires des commentaires renvoie à une histoire personnelle troublée par les diverses phases du totalitarisme roumain. Ces accidents de biographie coïncident parallèlement avec la production d’une oeuvre personnelle dont la publication est ajournée et dont la traduction et le commentaire de traduction constituent des aspects autorisés d’émergence.

Cas de la revue Cahiers Roumains d’Études Littéraires : Critique, esthétique, histoire littéraire. Publiée par la maison d’édition Univers, Bucarest.  « Les Cahiers Roumains d’Études Littéraires sont une revue trimestrielle fondée dans la deuxième moitié de 1973. Les articles publiés sont rédigés en français, anglais, parfois allemand, espagnol, russe. La revue comporte trois rubriques dont une chronique des traductions sur des comptes-rendus d’œuvres roumaines en langues étrangères. Les collaborateurs sont surtout roumains. »[54]

Observation : La rubrique « Compte-rendus » des Cahiers Roumains d’Études Littéraires publie des commentaires sur des oeuvres que Secolul 20 classe comme « Moments significatifs dans la traduction de la littérature universelle ». Ainsi en 1974 une critique en français signée: Nicolae Balotă, important essayiste, critique né en 1925 porte aussi sur Antologia literaturii precolumbiene (« Anthologie de la littérature précolombienne »)[55] de Francisc Pacurariu (choix des textes, traduction, notes et préface par Francisc Pacurariu, Bucarest, éd. Univers, 1973, 437 p.) communiquant au lecteur une impression de circularité du circuit des traducteurs, des commentaires de traduction par des auteurs tous victimes à des degrés divers de purges surtout staliniennes.[56]

4.2.11. Certains traducteurs écrivent-ils des préfaces explicitant leur pratique ainsi que le choix des textes qu’ils traduisent ?

Le « Livre Russe » connaît au moins deux types de préfaciers signataires. 1) Les « voix d’autorité idéologique » tels N. Moraru, Ion Călugaru, etc. 2) Les préfaciers traducteurs tels Al. Philippide, Ion Biberi, Mihai Beniuc, Lucian Boz, Petre Solomon etc. Aujourd’hui, l’ensemble de la pratique péritextuelle, épitextuelle, paratextuelle et traductive du « Livre russe » à ses débuts est critiquée avec virulence. « De telles préfaces ont été pour la plupart prises sans modification dans les éditions russes. Elles sont le signe du manque de confiance porté aux lecteurs roumains vus comme incapables de comprendre correctement l’univers littéraire soviétique. Dans la plupart des cas, le nom du traducteur n’est pas mentionné, l’édition n’a ni préfacier ni présentation minimale (ce n’est pas seulement le cas des livres de propagande, de vulgarisation, mais aussi celui des ouvrages littéraires « beletristică »). Les premières années surtout, on a affaire à des livres édités en hâte. »[57]

Les préfaces de critiques confirmés avant la deuxième guerre mondiale (Perpessicius, Philipppide) sont aujourd’hui distinguées des avant-propos d’auteurs idéologiques même si les premiers se sont ralliés à l’occupant. La notion de « compromis nécessaire » sous dictature est-elle introduite ici ? « Les préfaces, instruments d’interprétation des œuvres diffèrent en valeur. Nombre d’entre elles sont presque exclusivement dogmatiques. La distance culturelle entre des personnalités telles que Perpessicius ou Al. Philippide et N. Moraru ou Ion Călugaru est évidente, même si les textes des premiers sont marqués de traits de  circonstance ».[58]

4.2.12. Comment la censure influence-t-elle le mode de traduire ?

La censure serait à subdiviser en censure de l’Institution et  auto-censure, si l’on accepte les conclusions de la critique d’exil (Radio Free Europe) Monica Lovinescu sur le caractère inédit du totalitarisme communiste. « Le régime stalinien a réussi un objectif sans précédent : doubler la contrainte extérieure d’une contrainte intérieure. La censure a été de deux sortes dans un tel régime : la censure du pouvoir et celle, plus dangereuse, que chacun s’imposait à lui-même. »[59]

La censure sur les traductions est-elle un simple cas particulier de la censure portant sur la littérature ? Leurs fluctuations dépendent-elles d’évènements politiques et idéologiques imprévisibles par le citoyen moyen ? Ainsi les Thèses de Juillet 1971 consécutives au voyage en Chine de Nicolae Ceausescu auraient pu ne constituer qu’une déclaration de principe si elles n’avaient coïncidé avec un tournant politique majeur en politique étrangère et intérieure (dégradation des relations avec Moscou). La censure applique-t-elle désormais des consignes émanées non des Soviétiques mais du P.C Chinois ? Ces censures ont-elles été différentes ? Nous n’avons pas de réponse à cette question dans l’état présent de nos recherches.

4.2.13. Quel est le rôle des réviseurs dans l’établissement du texte final ?

Je n’ai pas d’information à ce sujet.

4.2.14. Y a-t-il des cas de traductions très infidèles à l’original ?

Je n’ai pas d’exemple précis permettant de répondre à cette question.

4.2.15. Les traducteurs traduisent-ils généralement d’une seule langue ou de plusieurs ?

L’apparition du «  traducteur spécialisé » dans les années 1950 signifie que ce dernier se spécialise dans une langue-source, dans une littérature et, parfois, dans une période de cette littérature.

Dans les années 1950, apparaissent des traducteurs dont l’activité se lie à certaines littératures.  C’est le cas de Alexandru Miran (grec ancien), Ștefan Bezdechi (latin), Ion Roman (allemand du XXe siècle), Nicolae Iliescu et Janina Ioanoși (russe). Andrei Bantaș et Irina Horea (anglais), Emanoil Marcu (français), Antoaneta Ralian (américain), Mihai Cantuniari et Cristina Hăulica (espagnol), Ion Petrică (polonais), Micaela Ghițescu (portugais), George Lăzărescu (italien), Grete Tartler (arabe et persan).

Le nom d’autres traducteurs s’attache définitivement à certains auteurs parce qu’ils sont les producteurs de traductions chefs-d’œuvre. C’est le cas du poète George Lesnea attaché au « Livre russe », traducteur de Essénine (et de Lermontov, bénéficiant à ce titre d’une critique favorable de G. Călinescu dès 1941), George Buznea et Eta Boeriu, traducteurs de Dante, Dan Duțescu, traducteur de Shakespeare et Chaucer, Romulus Vulpescu, traducteur de Rabelais. [60]

Mais Paul Celan (collaborateur du « Livre russe »)  traduit d’au moins trois langues (russe, anglais, français) en au moins deux langues (allemand, roumain). Installé à Paris (où il est lecteur d’allemand à l’Ecole Normale Supérieure), il fait état dans une lettre de 1962 à son ami bucarestois Petre Solomon (exégète de Rimbaud, traducteur de l’anglais américain) de traductions du russe proches de celles produites par George Lesnea (traducteur au « Livre russe », déjà confirmé avant guerre comme poète et traducteur). Il s’agit de traductions d’Essenine[61]. Une lettre expédiée un mois plus tard mentionne des traductions de Lermontov et de Tchékhov publiées en roumain.[62] Celan déplore dans la même correspondance la superficialité de ses rapports avec les nombreux poètes français qu’il a traduits (en allemand), évoque un projet concernant des poètes roumains[63] (en allemand ou en français ?). Il signale qu’il vient d’achever une vingtaine de sonnets de Shakespeare (langue cible non précisée, sans doute de l’allemand). [64]

 

4.3. LE RÔLE CULTUREL DE LA TRADUCTION

La traduction et la langue

4.3.1. Statut de la langue écrite à l’époque (existe-t-il une norme unique pour cette langue ? Coexistence éventuelle avec d’autres langues ?)

Au début de l’occupation du territoire par les troupes soviétiques, l’alphabet roumain (fixé par l’Académie en 1903) va être remodifié. Il ne s’agit pas de revenir à la graphie cyrillique, mais de marquer à présent la parenté du roumain avec le russe. Un tel alphabet sera maintenu sur le territoire daco-roumain jusque après 1989 où se verra progressivement réinstaurée la graphie de 1903. En revanche, l’alphabet cyrillique (obligatoire en Moldavie partie de l’URSS où le russe mais aussi le roumain/moldave sont transcrits en cyrillique)  sera remplacé après 1989 dans cette république devenu indépendante après la chute de l’empire soviétique par l’alphabet latin sous la « forme communiste » imposée par les troupes d’occupation soviétique en Roumanie après 1947.

Dans la Roumanie d’après 1944, le roumain coexiste avec des langues minoritaires. Le pays possède en effet à cette période le plus grand nombre de minorités de tous les ensembles nationaux du bloc de l’Est  coïncidant avec 24 cultes avant la Seconde guerre mondiale, réduits à 16 après 1944. Les langues minoritaires aujourd’hui encore (après émigration quasi totale en Allemagne, avant 2000 sous Ceaușescu, des Allemands de Roumanie - environ 800.000 entre les deux guerres mondiales - et après le génocide hitlérien ayant abouti à la quasi élimination du yiddish sur le territoire roumain, - environ  450 000 juifs assassinés sur 800.000 - chiffre officiel d’avant la deuxième guerre mondiale) sont : le hongrois, le tsigane, l’ukrainien, l’allemand, le russe, le turc, le serbe, le tatar, le slovaque, le bulgare, le yiddish, le croate, le tchèque, le polonais, l’arménien, le grec.[65]

4.3.2. La traduction joue-t-elle un rôle dans l'évolution de la langue ?

Les traductions du russe, majoritaires au début de l’occupation jouent sans doute un rôle dans la modification de la graphie daco-roumaine (alphabétique) et dans la russification du lexique et de la syntaxe instaurées à partir de 1949. En effet, « le Livre russe » est fondé en 1944 mais c’est en 1951 que la « Session élargie de la VIe section (de langue, littérature, art) » de l’Académie R.P.R (République Populaire de Roumanie) avec le Ministère de l’Enseignement public et l’Union des Ecrivains de R.P.R prévoit une communication intitulée : « Pour une juste orthographe de la langue roumaine », par le Pr Al. Graur, membre correspondant de l’académie R.P.R. (4e conférence d’une série de 8). [66]

LA TRADUCTION ET LA LITTÉRATURE

4.3.3. La traduction joue-t-elle un rôle dans le développement des formes, des genres et des courants littéraires, notamment par rapport au réalisme socialiste ?

Des auteurs de l’exil  continuant à écrire en roumain souhaitent jouer un rôle anti-communiste  en littérature aussi. C’est le cas de Mircea Eliade et de son roman Forêt interdite (en roumain : Noptii de Sînziene - Les nuits de Saint Jean Baptiste) paru en 1955 chez Gallimard dans une traduction d’Alain Guillermou (Professeur de roumain  à l’Inalco). Interviewé par Monica Lovinescu à Paris, le 14 mars 1971 pour une émission sur « Europa Liberă » (Radio Free Europe), Eliade témoigne du caractère intraduisible de ses œuvres (en français, en anglais) et détaille ses intentions d’auteur : il ne s’adresse de fait qu’à des roumanophones ou à des lecteurs  dont la spiritualité et la capacité cognitive est susceptible de se voir modifiée par la lecture de son livre.[67]

Il considère ses propres romans comme des fresques historiques, mais tente en effet par ailleurs de fonder une mythologie de l’espace roumain en dépendance d’une conception du temps. La structure de ses événements narratifs relève, dit-il « d’un symbolisme présent dans un univers imaginaire onirique ». [68] Ses romans feraient entrer le lecteur dans un temps sacré, contredisant implicitement une perspective temporelle marxiste léniniste et la définition de la littérature dans une société socialiste : « Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs d’enfance et d’adolescence, j’ai toujours été fasciné par la Nuit de Saint Jean Baptiste. Plus tard, quand j’ai commencé à comprendre quelque chose au symbolisme cosmologique du changement des saisons, je me suis rendu compte que c’est en vérité une date très importante parce que dans de nombreuses traditions, certains hommes ont la possibilité de voir "les cieux s’ouvrir". C’est là l’expression plastique de la sortie du temps, d’une communion avec la transcendance. Il s’agit en tout cas de symbolisme axial, de centre. À partir d’un moment, les choses peuvent changer, peuvent renaître,  se renouveler. C’est avant de comprendre et d’étudier ce symbolisme que j’ai senti la fascination de ce moment cosmique. »[69]

Des aspects d’une telle vision du temps coïncident avec l’« onirisme esthétique », né en Roumanie vers la fin des années 1960, en partie dérivé du surréalisme tardif de Roumanie (après 1945). Cet onirisme esthétique du début des années 1970 a été rapidement interdit. Deux représentants du courant, Dumitru Tsepeneag et Virgil Tanase, écrivains et traducteurs, ont été alors interdits de retour en Roumanie. L’onirisme a-t-il été en partie légitimé par les réalisations romanesques de M. Eliade évoquées plus haut dont la diffusion en français et anglais a été permise par des traductions ? (Intimidation éventuelle des censeurs en raison de la reconnaissance internationale de Mircea Eliade, titulaire d’une chaire d’histoire des religions à l’Université de Chicago).

Enfin, la génération dite des années 1980 (optzeciști), dont les plus connus à l’étranger sont aujourd’hui Mircea Cărtărescu et Gheorghe Crăciun adosse son inspiration post-moderne à des jeux d’érudition inspirés de traductions de la poésie américaine, des écrivains français de Tel Quel, du textualisme italien etc., parues au début de la libéralisation des années 1970.

4.3.4. L’absence de libre circulation des textes entre l’Occident et le bloc communiste favorise-t-elle des traductions plagiats (textes traduits présentés comme des œuvres originales) ?

Je n’ai pas de réponse à cette question.

4.3.5. Quelle est la place de la traduction dans la vie littéraire de la diaspora ?

Des revues de l’exil roumain publient des recensions de traductions et des traductions en roumain réalisées par des exilés. C’est le cas de Revista Scriitorilor români, publication de la Societatea Academică Română/Rumänische Akademische Gesellschaft, luxueuse revue imprimée en Italie (pas d’adresse ni de référence d’éditeur sur les exemplaires n°4 et n°5 dont nous disposons au Fonds de l’Institut de roumain de l’Université de Strasbourg).

Exemple : le n°4 (1965) Revista Scriitorilor români publie un compte-rendu de traduction signé Mircea Popescu sous le titre « Al. Ciorănescu, traducător francez al lui Dante » (Al. Ciorănescu, traducteur français de Dante). Le texte évoque la personnalité de ce savant roumain établi en Espagne après la fin de la deuxième guerre mondiale. Il enseigne à l’Université, publie des études traduites en plusieurs langues occidentales (littérature comparée, philologie, bibliographies, etc.). L’importance symbolique de la présence d’Al. Ciorănescu à la commémoration roumaine (hors frontières) du centenaire de Dante est soulignée comme un facteur de prestige de l’émigration roumaine, polyglotte. « Même si elle n’est pas en langue roumaine, la traduction de Monsieur Alexandru Ciorănescu, roumain quelle que soit la langue dans laquelle il écrit, quel que soit le domaine d’études dans lequel il se manifeste, s’inscrit à la place d’honneur (…) »[70]

D’autres traductions d’exilés roumains sont publiées par la même revue. Certains traducteurs disposent d’une bonne notoriété : ainsi Victor Buescu, dialectologue professeur à l’Université de Lisbonne, ainsi Théodore Cazaban auteur d’un roman publié chez Gallimard l’année précédente[71].  Victor Buescu traduit du latin en roumain des vers de Lucrèce, « Viața nu-i nimic față de veşnicie » (La vie n’est rien face à l’éternité).[72] F. Brînzeu traduit une poésie de Yunus Emre du turc en roumain : « Setea de Dumnezeu » (La soif de Dieu)[73].Th. Cazaban, écrivain, Paris traduit en français une poésie du romantique national Eminescu, Quatrième Épître (fragment)[74]. Nicolae Novac traduit de l’anglais en roumain un poème de Walt Whitman : « Aud c’am fost acuzat/ On m’a accusé »[75].  Nicolae Novac traduit encore de l’anglais une poésie d’Edna Saint-Vincent Millay : « Așvrea să-mă întorcJe voudrais revenir »[76]. Nic Iancu Paltineanu traduit de l’allemand en roumain une poésie de Georg Heym, « Priveghi » (Veillée mortuaire)[77].

La revue semble attachée à démontrer que l’émigration roumaine (taxée de connivence avec une droite-extrême droite compromise avec le fascisme-nazisme) dispose d’un niveau culturel élevé. Ces réactionnaires se distinguent par leur culture humaniste (gréco-latine), leurs aspirations métaphysiques et leurs convictions religieuses manifestées avec d’autant plus de force que les émigrés sont hébergés par des pays catholiques (Espagne, Italie, Portugal), leur connaissance de nombreuses langues « de culture » pratiquées en particulier pour leur richesse en poésie.

4.3.6. Quelle est l’influence des traductions réalisées à l’étranger ?

Le roman de C .Virgil Gheorghiu (1916-1992), La vingt-cinquième heure, traduit sous pseudonyme par la critique en exil Monica Lovinescu, résidant à Paris, est un exemple de succès mondial permis par une traduction à l’étranger. (Cf. C. Virgil Gheorghiu La vingt-cinquième heure, traduit du roumain par Monique Saint-Côme, préface de Gabriel Marcel. Collection « Âmes et Terres Étrangères », Librairie Plon, Paris, 1949). Monica Lovinescu (décédée en 2008) et son mari Virgil Ierunca, tous deux critiques radiophoniques (Radio Free Europe, subventionnée par les U.S.A jusqu’à la chute du Mur de Berlin) ont bénéficié en Roumanie de funérailles nationales.

4.3.7. Les traductions en langues occidentales jouent-elles un rôle dans la diffusion de textes interdits ?

Dans le cas de l’émigration roumaine, les traductions en français surtout vont assurer la notoriété précédant les traductions en d’autres langues occidentales. Les plus célèbres de ces écrivains interdits publiant leurs œuvres en traduction française avant d’accéder à une notoriété parfois mondiale sont :

Mircea Eliade (réfugié au Portugal, en France, puis aux U.S.A), Virgil Gheorghiu (réfugié en France traduit en français puis dans une vingtaine de langues), Paul Goma (réfugié en France, traduit en France puis en allemand, etc.)

LA TRADUCTION ET LA SOCIÉTÉ

4.3.8. Peut-on distinguer des évolutions dans la diffusion et la réception des traductions (tirages, variations de popularité des auteurs, etc.) ?

Je n’ai pas de réponse à cette question.

4.3.9. Qui prend l’initiative des traductions ? Par quels canaux parviennent les informations sur les œuvres étrangères à traduire et les œuvres elles-mêmes?

Voir mes réponses en 4.3.13 et 4.3.15.

4.3.10. Quels sont les supports de publication et les modes de diffusion des traductions ?

« Le livre russe », maison d’édition de propagande et littérature (« beletristică ») fondée en décembre 1944 à Bucarest est signalé lors d’un bilan d’activité en 1952, au Conseil Mondial de la Paix à Vienne comme le « champion de l’activité de publication de littérature soviétique » avec 1.468 titres (dont 406 en langues des minorités) et 20.750.000 exemplaires. Or , le numéro 2 de la revue « Veac nou » (Nouveau siècle) du 17 décembre 1944, présentant le programme en huit points du Plan éditorial du « Livre russe », avait conféré  aux «  traductions des écrivains soviétiques et des classiques russes » la priorité numéro un.

Dans les années 1970, les maisons d’édition « Univers » et « Editura Politică » publient et diffusent des traductions.[78]

4.3.11. Y a-t-il des revues ou des collections spécialisées dans la publication de traductions ?

Je n’ai pas de réponse à cette question.

4.3.12. Quel est le public des traductions ? Est-il différent du public de la littérature originale ?

4.3.13. Quelle est l’attitude de la censure à l’égard des traductions ? Est-elle différente de l’attitude à l’égard des œuvres originales ?

Ioana Popa divise les circuits de diffusion des traductions en deux grandes catégories : les circuits autorisés, les circuits non autorisés.[79] Les circuits autorisés usent d’une censure tout spécialement adaptée aux traductions (du choix et de la sélection des œuvres à transférer en langue étrangère jusqu’au mode de traduction proprement dit dans ses aspects techniques). Dans la mesure où l’œuvre traduite est un complexe d’œuvre originale et de transposition, on peut considérer qu’elle subit un contrôle double en cas de passage par « le circuit autorisé ».

4.3.14. Y a-t-il des cas d’utilisation de traductions (ou de pseudo-traductions) à des fins de propagande ou au contraire de résistance ?

Les traductions d’exil parues dans Revista Scriitorilor români (Societatea Academică română) sont sans doute à considérer comme un cas de résistance anti-communiste à l’extérieur du pays. Leur audience pourrait être vue comme insignifiante si les signataires de traductions parues dans leurs colonnes ne disposaient de chaires universitaires réputées (AL. Ciorănescu en Espagne, Victor Buescu au Portugal) ou ne voyaient leurs livres bénéficier d’une destinée exceptionnelle, tel Virgil Gheorghiu avec La vingt-cinquième heure traduit en plus de vingt langues, tel Vintila Horia, prix Goncourt 1961 avec Dieu est né en exil, Theodor Cazaban, publié chez Gallimard en 1963 et bénéficiant d’une recommandation de Nathalie Sarraute.

4.3.15. Y a-t-il des traductions clandestines et quelle est leur diffusion et leur influence sur la littérature ou la vie culturelle ?

Entre 1945 et 1992, l’importation en France des littératures tchécoslovaque, polonaise, hongroise et roumaine se serait pliée à six modalités de transfert littéraire témoignant de la politisation des enjeux de la traduction, selon une analyse de Ioana Popa parue en 2002. Les six circuits ont coexisté pour l’ensemble du corpus d’œuvres traduites (de Pologne, de Tchécoslovaquie, de Hongrie, de Roumanie) pendant les presque 50 ans envisagés, mais la pondération des livres traduits en fonction de tel ou tel mode de circulation a différé selon le pays et la période. Ioana Popa note la quasi-absence d’un circuit d’exportation pour la Pologne. Elle signale l’inexistence d’une diffusion parallèle (clandestine) pour la Roumanie et la Hongrie. Mais la raison n’en est pas la même. La Roumanie ne connaît pas d’infrastructure clandestine. La Hongrie  publie des écrits non littéraires. La première vague d’exilés hongrois d’après-guerre publie des essais (philosophie, politique, sociologie, histoire) auxquels succèderont les samizdats des années 1970. Ioana Popa note aussi que le circuit officiel revêt des significations différentes selon la conjoncture politique. Concrètement, les six circuits dont elle décrit le fonctionnement et les effets sont : le circuit d’exportation (traductions publiées dans le pays d’origine en vue d’une diffusion à l’étranger), le circuit officiel (traductions d’œuvres littéraires publiées dans le pays et la langue d’origine), le circuit patrimonial (traductions d’œuvres littéraires publiées dans le pays et la langue d’origine avant la mise en place des régimes communistes). Le circuit semi-officiel (traductions d’œuvres littéraires légalement parues dans le pays et la langue d’origine mais interdites après publication), le circuit parallèle (traductions faites à partir de samizdats ou de livres publiés dans la langue d’origine par des maisons d’édition en exil), les circuits directs et de transit (traductions à partir d’un manuscrit écrit dans la langue d’origine, publié pour la première fois à l’étranger dans sa version traduite).

Les trois premiers circuits constituent ce que I. Popa nomme « l’espace autorisé », les trois derniers, « l’espace non autorisé ». Dans le cas de la Roumanie (185 traductions envisagées entre 1945 et 1992) 87, soit 47%, ont été produites dans et par « l’espace autorisé » et 97, soit 52,4% dans et par « l’espace non autorisé » (circuit semi-officiel: 20, circuit parallèle : 0, circuit direct et de transit : 77). [80] I. Popa  établit que le « circuit direct ou de transit » présupposait un contact avec un éditeur français ou étranger « rendu possible notamment par la présence en exil de l’auteur ».  Près d’une centaine d’écrivains analysés (pour les quatre pays) par I. Popa étaient pour les trois quarts des exilés interdits dans leur pays d’origine. Ces auteurs exilés ont été rarement des auteurs déjà consacrés. Ils ont dû éviter que leur « double présence » (en pays d’accueil et pays d’origine) ne se transforme en « double absence » (à défaut de réception réelle dans les pays d’origine et d’accueil). Toutefois, des écrivains de « l’espace non autorisé » sont devenus des « transfuges linguistiques » (cas  de Milan Kundera passé du statut d’auteur étranger traduit au statut d’écrivain français à part entière).[81] Dans le cas  de Paul Goma, dissident roumain des années 1970 publié en traduction française  de A. Paruit chez Gallimard, l’œuvre parue en français durant la dictature Ceaușescu a été publiée en roumain et en Roumanie à partir de la Révolution de 1989. Un dissident tel que Virgil Tanase, après avoir publié à Paris deux romans traduits du roumain est devenu un écrivain français (= transfuge linguistique tel Kundera).

4.3.16. Y a-t-il des répressions visant des traducteurs en raison de leur activité de traduction ?

Je n’ai pas de réponse à cette question.

4.3.17. Les traductions anciennes sont-elles victimes de la censure ? Selon quels critères ?

Je n’ai pas de réponse à cette question.

4.3.18. Quelles sont les caractéristiques du discours théorique dominant sur la traduction ?

Je n’ai pas de réponse globale. Voir mes réponses fondées sur quatre exemples échelonnés dans le temps en 4.2.10 a.

4.3.19. Réception critique des traductions ?

Voir mes réponses en 4.2.10 a et 4.2.10 b.


 

SOURCES

Emil Alexandrescu « Introducere în literatura română », Editura didactică și pedagogică, București, 2007.

George Călinescu « Istoria literaturii române de la origini pînă în prezent », Editia a II -a, revăzută și adăugită, Ediție și prefață de Al. Piru, Editura Minerva, București, 1985.

Constantin Ciopraga « Literatura română între 1900 și 1918 », Editura Junimea, Iași, 1970.

Nicolae Manolescu « Istoria critică a literaturii române. 5 secole de literatură », Editura Paralela45, Pitești, 2008.

Ioana POPA « Traduire sous contraintes - Littérature et communisme (1947- 1989)- », CNRS Editions,

15 rue Malebranche, 75005, Paris, 2010.

(TOTALITARISME)

Ana SELEJAN « Literatura în totalitarism, 1949-1951 », Editura Thausib, Sibiu, 1994.

« Literatura în totalitarism, 1952-1953 », Editura Thausib, Sibiu, 1995.

«  Literatura în totalitarism, anul 1954 », Fundația culturală Fronde, Sibiu, 1996.

Monica LOVINESCU « Unde scurte » - Jurnal indirect-, Limite, Madrid, 1978.

Monica LOVINESCU « Intrevederi cu Mircea Eliade, Eugen Ionescu, Ștefan Lupașcu, Grigore Cugler »,

Cartea Românească, București, 1992.

Ioana POPA « Traduire sous contrainte- Littérature et communisme (1947-1989) ».CNRS Editions. 15, rue Malebranche, 75 005. Paris. 2010.

Reuben H.MARKHAM « România sub jugul sovietic”, în românește de George Achim, Fundația Academia Civică, 1996.

[1] B.Vago. « En Roumanie : note historiographique », « Annales, Economies, Sociétés, Civilisations » Vol.19, Année 1964, p.116-119.

[2] Ibid., p.118.

[3] Nicolae Iorga (1871-1940) est le plus grand historien roumain  de par le retentissement de ses idées. Grand voyageur et polyglotte, il a été nommé docteur honoris causa de la plupart des universités européennes. Il a été parlementaire, ministre et, brièvement, premier ministre. Quoique nationaliste, il s’oppose à Hitler dès 1933. Il sera assassiné le 27 novembre 1949 par un groupe de commandos de la Garde de Fer le considérant responsable de l’arrestation et exécution de leur leader Corneliu Zelea Codreanu.

[4] Garabet Ibrăileanu (1871-1936). Critique littéraire, théoricien, traducteur, sociologue, professeur à l’Université de Iași (Moldavie). Attiré au début des années 1890 par le socialisme, il adaptera de fait le cadre de l’ancienne société littéraire locale disparue (Junimea) à une forme de populisme roumain.

[5] Voir Nicolae Iorga. « Traduceri », Sămănătorul, 1903, p. 9. Cité par Constantin Ciopraga, « Traduceri », dans « Literatura română între 1900 și 1918 », Editura Junimea, Iași, 1970.

[6] Ibid., p.18.

[7] Le Cominform (« Communist Information Bureau ») est la dénomination courante de l’« Information Bureau of the Communist and Workers Parties ». Il fut le premier forum officiel du mouvement de l’Internationale communiste jusqu’à la dissolution du Comintern. Le premier siège du Cominform fut initialement localisé à Belgrade. Expulsé de Yougoslavie en juin 1948 (à cause du Titisme), le siège du Cominform fut déplacé à Bucarest (Roumanie). La fonction dévolue au Cominform était la coordination d’actions entre les Partis communistes sous direction soviétique. En conséquence, le Cominform a agi en outil de la politique étrangère soviétique et du stalinisme. Il possédait son propre organe de presse (« For Lasting Peace, for People’s Democracy ») et encouragea l’unité des Partis sous direction soviétique. Le Cominform sera dissous en 1956 après le rapprochement soviétique avec la Yougoslavie et le processus de déstalinisation. Les Partis membres du Cominform furent : le Parti communiste bulgare, le Parti communiste tchécoslovaque, le Parti communiste français, le Parti socialiste ouvrier hongrois, le Parti communiste italien, le Parti ouvrier polonais uni, le parti socialiste ouvrier roumain, le Parti communiste d’Union soviétique, le Parti communiste de Yougoslavie (jusqu’à son expulsion, en juin 1948), le Parti communiste du Territoire libre de Trieste (jusqu’à son expulsion en juin 1948). Voir http://en.wikipedia.org/wiki/Cominform

[8] Tr. du roumain par H. Lenz. Voir Nicolae Manolescu. « Istoria critică a literaturii române. 5 secole de literatură ». Editura Paralela45, Pitesti, 2008. Chapitre « Traducători și traduceri », p.1394.

[9] Letiția Constantin. « Literatură și propagandă : Editura Cartea rusă. Fundația România literară », - România Literară, n°25, 2009 - p. 2, http://www.romlit.ro/literatur_I_propagand_editura_cartea_rus

[10] Ibid., p.1395.

[11] Voir N. Manolescu, ibid., p.1394.

[12] Voir Letiția Constantin, ibid., note 27,  p.6.

[13] Voir « Ion Vinea », p.28-29, dans « Pagini de critică literară III » Vladimir Streinu, Editura Minerva, București, 1974. « Dans toutes ses entreprises d’écrivain, Ion Vinea est resté un poète même quand il voulait se comporter à l’inverse. En ce sens, ses traductions de Shakespeare et d’Edgar Poe, par lesquelles il a répondu aux exigences actuelles de la culture roumaine, sont exemplaires. » p.30.

[14] Ibid., p.1395.

[15] Ibid., p.1395.

[16] Ibid., p.1395.

[17] Voir Letiția Constantin, ibid. p.2.

[18] Letiția Constantin, ibid., p. 4.

[19] Voir  Letiția Constantin, ibid. p.1.

[20] Voir Letiția Constantin, p.4.

[21] Ibid., p. 1395.

[22] Voir G. M. Zamfirescu, « Mărturii în contemporaneitate -1938- », Ediție îngrijită, studiu introductiv, note, comentarii, bibliografie de Valeriu Râpeanu. Editura Minerva, București, 1974.

[23] Letitia Constantin, 2009,  « Literatură și propagandă : Editura Cartea rusă. Fundația România literară », p. 2-3.

[24] Letitia Constantin. « Literatură și propagandă »…p.3.

[25] Ioana Popa, 2002, p. 9.

[26] N.Manolescu, ibid., p.1395.

[27] Ioana Popa, ibid., p. 11-12. Pour ce qui concerne la terminologie décrits les circuits de transferts (autorisés) et non autorisés, voir notre réponse en 4-3-15.

[28] Ioana Popa, ibid, p. 14.

[29] Ioana Popa, ibid, p. 14.

[30] N. Manolescu « Istoria critică a literaturii române. 5 secole de literatură ». Editura Paralela45, Pitești, 2008, ibid. 1395.

[31] Letiția Constantin, « Literatură și propagandă », p.3.

[32] Letiția Constantin, « Literatură și propagandă», p.4.

[33] Ioana Popa « Un transfert littéraire politisé. Circuits de traduction des littératures d’Europe de l’Est en France, 1947-1989 », Actes de la recherche en sciences sociales, 2002/4 (n°144),  p.3-4. http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ARSS_144_0055

[34] Nous usons ici de la formule de l’historien N. Iorga caractérisant N. Milescu dans sa traduction de la Bible de Bucarest (1688). N. Iorga «  Œuvres inédites de Nicolas Milescu » publiées par N. Iorga, Académie roumaine, Etudes et Recherches III, Ateliers graphiques « Cultura Națională », Bucarest, 1929. Dans « Préface » de N. Iorga, p.3.

[35] Al. Graur. « Traducerea este posibilă ? » (« Revista de filozofie », XI , 6, 1964).  « Scrieri de ieri și de azi », Editura Științifică, Bucuresti, 1970, p.17-24.

[36] Emil Alexandrescu. „Introducere în literatura română”, Editura didactică și pedagogică, București, 2007,  ch. „ Direcții, orientări, reprezentanți în evoluția criticii literare” - ‚Alexandru Dima- Principii de literatură comparată’, p. 695.

[37] Marian Papahagi, « Orizontul traducerii și orizonturile criticii », dans « Fragmente despre critică », Editura Dacia, Cluj-Napoca, 1994, p.95.

[38] Marian Papahagi, ibid, p.97. Tudor Vianu ( 1897-1964). Esthéticien, critique, historien littéraire, poète, philosophie, traducteur, diplomate roumain. Fondateur de l’Ecole de stylistique à la Faculté des Lettres de Bucarest, initiateur de la Chaire de Littérature universelle, il est longtemps resté le chef de cette dernière. Tudor Vianu a été professeur titulaire d’esthétique, directeur du Théâtre National (1945).

[39] Voir http://www.revista22.ro/traducerea-un-capitol-de-istorie-culturala-1763.html, Smaranda Vultur, « Traducerea, un capitol de istorie culturală », 22 Revista Grupului pentru Dialog Social, 27 mai 2005, Page consultée le 03/05/2010.

[40] Mircea Braga. « Teoria traducerii și « eficienția » ei deviată » in « Istoria literară ca pretext », Editura Dacia, Cluj-Napoca, 1982, p. 224-227.

[41] M. Braga, ibid., p.227.

[42] Voir définition de Ioana Popa dans «  Un transfert littéraire politisé. Circuits de traduction des littératures d’Europe de l’Est en France, 1947-1989 ». Actes de la Recherche en Sciences sociales, 2002/4 (n° 144).

[43] « Secolul 20/ 20e siècle » « Revue de Littérature Universelle éditée par l’Union des Ecrivains de Roumanie ». http://ro.wikipedia.og/wiki/Secolul_20

[44] Eugen Barbu (1924-1993) a été membre correspondant de l’Académie roumaine, directeur de revue, journaliste, pamphlétaire, polémiste, publiciste, scénariste, lauréat du Prix Herder. « Șosea Nordului » a été publié en roumain en 1959. Traducteur de Faulkner et de Thomas Mann, Barbu a aussi restitué l’œuvre (française) de Panaït Istrati en roumain.

[45] « Secolul 20 », n° 176 (1975), p. 80-81.

[46] « Secolul 20 », n°176 (1975), p. 78-79.

[47] « Secolul 20 », n° 176, (1975), p. 78-79.

[48] « Secolul 20 », n°176, p. 73-74.

[49] « Secolul 20 », ibid., p. 86-88.

[50] « Secolul 20 », ibid., p. 74-76.

[51] « Secolul 20 », ibid., p. 84-85.

[52] Ștefan Augustin Doinaș (1922-2002) a été un poète, essayiste, traducteur, académicien et politicien roumain, sénateur entre 1992 et 1996 sur les listes du Parti de l’Alliance Civique.  Il a traduit de nombreux grands poètes du monde, dont Faust de Goethe, Hölderlin, Mallarmé, Gottfried Benn, Paul Valéry, Giovanni Papini, Gerhart Haptmann, Jorge Guillen , Ruben Diario, Wolf Aichelburg, Martin Buber ,etc.

[53] Voir Nicolas Steinhardt, http://fr.wikipedia.or/wiki/Nicolae_Steinhardt<

[54] Extrait de l’article de Eva R. Szilagyi sur « Les Cahiers roumains d’Etudes littéraires », Springerlink, 17 août 2005. Voir http://www.springerlink.com, page consultée le 10 mai 2010.

[55] P.116-118.

[56]Nicolae Balotă a été arrêté une première fois en 1948 quand il était jeune assistant à la Faculté de Philosophie « pour détention et diffusion de matériel subversif » (livres d’histoire, de littérature, de philosophie, de politique de sa bibliothèque personnelle, découverts à son domicile lors d’une perquisition). Voir http://www.librariacanter.ro. Il sera à nouveau arrêté en 1956 pour avoir rédigé un mémoire qui était un réquisitoire sur la violation des libertés démocratiques et religieuses par le régime communiste. Etabli à Paris en 1981, il est nommé professeur de littérature comparée à l’Université de Tours. En 1987, il sollicite et obtient l’asile politique en France.

[57] Letiția Constantin « Literatură și propagandă », ibid., p.4.

[58] Letiția Constantin, ibid., p.5.

[59] Traduit du roumain par H. Lenz. Voir Monica Lovinescu. « Unde scurte », article du 9 décembre 1967, p. 215.

[60] Ibid., p. 1385.

[61] Voir  Petre Solomon. « Paul Celan : dimensiunea românească ».  Lettre (Moisville par Nonancourt -Eure-) 6 août 1962, p. 222. « As-tu reçu mon recueil de traductions d’Essénine ? Il ressemble beaucoup à celui de George Lesnea, surtout par le choix par lequel j’ai essayé de rétablir l’image du poète proche de la Révolution d’octobre. Peut-être pourrait-il être repris par les Editions Allemandes de la R.P.R (République Populaire de Roumanie) ? »

[62] Voir P. Solomon, ibid., p.225. Lettre (Moisville, le 5 septembre 1962), p. 225. « Ton Milton est arrivé hier, ainsi que mes traductions roumaines de Lermontov et de Tchékhov - mille mercis ».

[63] Voir P. Solomon, ibid., p. 228. Lettre du 12, 9, 62. « Comme toi, je retourne à mon travail. En fera partie, je l’espère, le retour, tardif vers la poésie roumaine (…) Dans un recueil de traductions qu’un jour j’arriverai peut-être à publier, j’espère réparer, rattraper ce retard. J’ai connu, et traduit, un certain nombre de grands poètes français. (Comme j’ai connu la « fine fleur » des poètes allemands). Certains m’ont témoigné, par leurs dédicaces, une amitié dont je ne dirai  que ceci : elle s’est avérée bien « littéraire ».

[64] Voir P. Solomon, ibid., p. 230. Lettre du 18 décembre 1963 (78 rue de Longchamp, XVIe, Paris). « Je viens de terminer la traduction  d’une vingtaine de sonnets de Shakespeare : j’aurai, pendant les deux années à venir, à m’occuper d’une édition en trois volumes de la poésie de Michaux ».

[65] Voir Roumanie (România), site de l’Université de Laval, Québec. Le chapitre 2 (« Données démo-linguistiques ») et le 3 (« Les minorités ») font état de chiffres de population déclarés lors du recensement de 2002. Dernière mise à jour : 04 mai 2010. Voir http://www.tlfq.ulaal.ca/axl/europe/roumanie.html. Page consultée le 20 juin 2010.

[66] Voir Ana Selejan. « Literatura în totalitarism, 1949-1951 », Editura Thausib, Sibiu, 1994, p.246. « Sesiunea lărgită a secțiunii de limbă, literatură și arte a Academiei R.P.R, voir note 88, p.259. « Prezidiul Academiei R.P.R comunică : Potrivit Hotărârii Sesiunii Generale Știintifice din 21-25 martie a.c.a Academiei R.P.R va avea loc în zilele de 2, 3, 4 iulie a. c. Sesiunea lărgită a secțiunea a VI-a ( de limbă, literatură, arte) a Academiei R.P.R împreună cu Ministerul Invățământului Public și Uniunea Scriitorilor din R.P.R împreună cu Ministerul Invățământului Public și Uniunea Scriitorilor din R.P.R. In sesiune se vor face următoarele comunicări  (…) 4) Pentru o ortografie justă a limbii române de Prof Al. Graur, membru corespondent al Academiei R.P.R ( …) », p.246.

[67] Voir Monica Lovinescu « Intrevederi cu Mircea Eliade, Eugen Ionescu, Stefan Lupascu, Grigore Cugler » - Interviews de M. Eliade, E. Ionesco, S. Lupasco, G. Cugler, Cartea românească, Bucarest, 1992, p.47-60.

[68] M. Lovinescu, ibid., p. 53.

[69] M. Lovinescu, ibid, p. 49.

[70] M. Popescu, p.157-158.

[71] « Parages », NRF Gallimard, Paris, 1963. Theodor Cazaban est né en 1921.

[72] « Revista scriitorilor români », n°4, 1965, p. 133.

[73] Ibid, n°4, p. 134.

[74] Ibid, n°4, p. 135.

[75] Ibid., n°4, p. 136.

[76] Ibid, n°4, p. 136.

[77] Ibid, n°4, p. 137.

[78] N. Manolescu, ibid., p.1395.

[79] Ioana Popa. “ Un transfert littéraire politisé…”, Cairn.info, p.1-18. Voir les divers circuits identifiés par I. Popa  dans ma réponse à 4-3-15.

[80] I. Popa, ibid., p.9.

[81] I. Popa, ibid, p.8.