Auteur : Antonia Bernard
4.1. Cadre général introductif
4.1.1. Quelles ont été les périodes de fermeture ou d’ouverture aux littératures occidentales ?
Le cas slovène (et yougoslave) se distingue beaucoup de celui de la plupart des pays communistes. On peut parler de fermeture totale jusqu’à 1948, puis partielle pendant les quelques années qui suivent cette date. On évoquait souvent le manque de papier, pour les traductions comme pour les oeuvres « irrigantes ». Par la suite, il est difficile de parler de fermeture. Il est vrai que les poètes traduisent souvent des classiques de la littérature occidentale, en plus des classiques grecs et latins (Anton Sovre). Les textes de l’avant-garde occidentale sont traduits et publiés dans les revues. Il est vrai qu’il s’agit de tirages confidentiels. Le grand public devra attendre les années 1970 et 1980 pour voir paraître, dans la collection Kondor, la série « Cent romans », où il pourra avoir accès aux grandes oeuvres, tant classiques que modernes, de la littérature mondiale. Il pourra trouver dans cette collection Don Quichotte, Un héros de notre temps, Cents ans de solitude, La Chronique de Travnik, Le Rouge et le Noir, etc.
4.2. La pratique de la traduction
Qui traduit ?
4.2.1. Qui sont les traducteurs (Origine sociale, formation, langue maternelle, statut social, conditions de travail et de rémunération ? Sont-ils considérés comme des auteurs ? S’agit-il de leur activité principale ? Etc.)
En ce qui concerne la poésie, ce sont toujours les poètes qui s’en chargent. Le prestige de cette activité perdure et les petites sommes qu’elle rapporte sont négligeables. Les traductions en prose restent également, dans la grande majorité des cas, l’oeuvre des poètes, des écrivains, des critiques littéraires. On ne peut pas vivre de cette activité, elle ne peut être qu’un petit appoint. Les choses changent un peu à partir des années 1970, et notamment avec les « Cent romans » où l’éditeur, qui a établi la liste des traductions à effectuer, doit trouver les traducteurs. On voit également apparaître des traducteurs spécialisés : tel est par exemple le cas de Radojka Vrančič, connue pour ses traductions exclusives de Proust.
4.2.2. Rôle éventuel des associations de traducteurs dans l’évolution de la profession ?
Ces traducteurs « amateurs » se regroupent dès 1953 dans une association…
4.2.3. Les traducteurs du russe ont-ils un statut particulier ?
Non, sauf peut-être entre 1945 et 1948.
Que traduit-on ?
4.2.4. Quels genres de textes traduit-on ?
Poésie, romans, nouvelles, à la fin même des textes de théorie littéraire (Barthes, Derrida).
4.2.5. Y a-t-il à cette époque des changements dans la géographie de la traduction (origine des oeuvres traduites) ? S’ouvre-t-on à des littératures non traduites jusque là ? Si oui, lesquelles ?
Oui, un peu. On traduit volontiers les autres littératures de la Fédération. D’autre part, vers les années 1980, on « découvre » les littératures de langue espagnole. Ceci s’explique : la Yougoslavie n’avait pas de relations diplomatiques avec l’Espagne de Franco.
4.2.6. Comment les conditions politiques et idéologiques influencent-elles le choix des œuvres traduites (langues, littératures, auteurs, genres) ?
On traduit des auteurs qui correspondent davantage à l’idéologie, par exemple Pablo Neruda.
4.2.7. Quels sont les écarts entre la date de parution d’une oeuvre dans la langue originale et sa traduction ?
Ils diminuent en général, souvent les traductions sont entreprises, surtout pour la poésie, sous l’effet des rencontres…
4.2.8. Quels sont les écarts entre le canon littéraire de la langue d’origine et le corpus de textes traduits (traduction d’auteurs ou d’ouvrages jugés secondaires dans la littérature d’origine, ou au contraire absence de traduction d’auteurs ou d’ouvrages majeurs) ? Peut-on identifier les causes de ces écarts ?
On traduit relativement peu par rapport aux « grandes nations » et on choisit plutôt des oeuvres majeures.
4.2.9. Citez quelques textes emblématiques traduits à cette époque (s’il y en a), titres et dates.
Comment traduit-on ?
4.2.10. Trouve-t-on des réflexions et/ou des débats sur la traduction ? Sur quoi portent-ils ?
4.2.11. Certains traducteurs écrivent-ils des préfaces explicitant leur pratique ainsi que le choix des textes qu’ils traduisent ?
4.2.12. Comment la censure influence-t-elle le mode de traduire ?
Il n’y a pas vraiment de censure, il s’agit plutôt d’autocensure.
4.2.13. Quel est le rôle des réviseurs dans l’établissement du texte final ?
Ils corrigent la langue, en théorie. Il faudrait avoir des témoignages de corrections « idéologiques », qui existent sans doute, tout comme pour les oeuvres originales. Il existe des exemples célèbres dans les « traductions » destinées au grand public. Ainsi « Frère Jacques, dormez-vous… » qui devient « Maître Jacques… », ou la série Heidi : le père de la petite fille change de métier, de pasteur il devient instituteur.
4.2.14. Y a-t-il des cas de traductions très infidèles à l’original ?
4.2.15. Les traducteurs traduisent-ils généralement d’une seule langue ou de plusieurs ?
Les deux cas existent.
4.3. Le rôle culturel de la traduction
La traduction et la langue
4.3.1. Statut de la langue écrite à l’époque (existe-t-il une norme unique pour cette langue ? Coexistence éventuelle avec d’autres langues ?)
Il existe une norme très stricte en slovène.
4.3.2. La traduction joue-t-elle un rôle dans l'évolution de la langue ?
Non.
La traduction et la littérature
4.3.3. La traduction joue-t-elle un rôle dans le développement des formes, des genres et des courants littéraires, notamment par rapport au réalisme socialiste ?
Oui, avant 1945 pour Gorki, à partir des années 1960 on cherche plutôt les textes des avant-gardes.
4.3.4. L’absence de libre circulation des textes entre l’Occident et le bloc communiste favorise-t-elle des traductions plagiats (textes traduits présentés comme des œuvres originales) ?
Je ne crois pas. Les Slovènes voyagent un peu plus librement, mais les livres peuvent être confisqués à la frontière ou à la douane. On purge les bibliothèques de prêt (les Slovènes y vont beaucoup) aussi bien des oeuvres originales que des traductions : le poète interdit Balantič, l’écrivain « paysan » Janez Jalen doivent disparaître, mais aussi Giono ou Hamsun. Les Slovènes ont des contacts privilégiés avec les minorités slovènes de Trieste et de Carinthie, mais leurs livres peuvent être interdits (ex. : Boris Pahor).
4.3.5. Quelle est la place de la traduction dans la vie littéraire de la diaspora ?
La diaspora est pratiquement inexistante, sauf en Argentine (réfugiés de guerre) où elle vit en autarcie culturelle…
4.3.6. Quelle est l’influence des traductions réalisées à l’étranger ?
Je n’en vois pas, sauf dans le cas des minorités slovènes.
4.3.7. Les traductions en langues occidentales jouent-elles un rôle dans la diffusion de textes interdits ?
Non.
La traduction et la société
4.3.8. Peut-on distinguer des évolutions dans la diffusion et la réception des traductions (tirages, variations de popularité des auteurs, etc.) ?
Peu d’évolution.
4.3.9. Qui prend l’initiative des traductions ? Par quels canaux parviennent les informations sur les oeuvres étrangères à traduire et les oeuvres elles-mêmes ?
Auteurs-traducteurs, éditeurs et rencontres.
4.3.10. Quels sont les supports de publication et les modes de diffusion des traductions ?
Revues et anthologies pour la poésie, monographies pour les romans.
4.3.11. Y a-t-il des revues ou des collections spécialisées dans la publication de traductions ?
Non, sauf la série « Cents romans » de Kondor.
4.3.12. Quel est le public des traductions ? Est-il différent du public de la littérature originale ?
Le même.
4.3.13. Quelle est l’attitude de la censure à l’égard des traductions ? Est-elle différente de l’attitude à l’égard des oeuvres originales ?
La même autocensure, en général.
4.3.14. Y a-t-il des cas d’utilisation de traductions (ou de pseudo-traductions) à des fins de propagande ou au contraire de résistance ?
4.3.15. Y a-t-il des traductions clandestines et quelle est leur diffusion et leur influence sur la littérature ou la vie culturelle ?
Non.
4.3.16. Y a-t-il des répressions visant des traducteurs en raison de leur activité de traduction ?
Non.
4.3.17. Les traductions anciennes sont-elles victimes de la censure ? Selon quels critères ?
Non.